Denis Lavant, l’alter-ego de Leos Carax, préfère le théâtre au cinéma, mais les films avec sa participation apparaissent régulièrement.
Le cinéma russe, la culture russe m’intéressent depuis longtemps… Donc de pouvoir participer à un film russe en étant ressortissant français, un personnage qui vient de France mais qui parle russe, j’ai trouvé ça intéressant. C’est l’endroit où je pouvais me trouver dans un film : d’être l’entraîneur français d’Ivan Poddubnyy (film «Ivan Piddubnyy» réalisé par Gleb Orlov en 2014 – NDRL.), c’était un rôle qui me convenait très bien. Je connais rien, pas grande chose en catch ou en lutte, même si j’en ai fait un peu à l’occasion de représentation au théâtre, mais je trouvais intéressant d’être en frappant, une sorte d’entraîneur sans avoir à passer à l’acte moi même. J’ai pensé à l’entraîneur de Sylvester Stallone dans Rocky.

J’ai pas du tout de point de vue nationaliste, patriotique, je ne suis pas du tout le sport. Mais le côté compétitif du sport en soi que ce soir le football, le hockey sur glace, ou la boxe la manière dont une population peut s’identifier à un héros sportif, c’est quelque chose que je trouve vain. Mais c’est drôle, je le vois avec une certaine distance.
Il y a une sorte de rapport, à cette époque là, on est encore sous les tsars, y avait le goût des français, de la langue, de la culture française en Russie qui était important à cette époque là. J’ai eu les aïeux qui ont séjourné en Russie avant la révolution. Il y avait quelque chose de prisé dans la culture et la langue française.
J’ai travaillé une fois avec une comédienne russe dans un film qui était fait par un allemand qui s’appelait Veit Helmer, un film qui s’appelait «Tuvalu». J’ai travaillé avec Tchoulpan Khamatova, c’était mon premier contact avec grande interprète russe avec qui j’ai beaucoup aimé travailler. J’ai été faire un circuit de récitals poétiques en Russie, avec des comédiens russes en province – Ekaterinbourg, Samara, Tumen. C’était le contact plus avec le théâtre russe qu’avec le cinéma.
Je ne commence à travailler que lorsqu’on commence à travailler tous ensemble. Bien sûr, je peux y rêver, mais je travaille aussi d’autres rôles dans le même temps. Ils m’enrichissent aussi. Tu parles de l’acteur mais je ne sais pas ce que c’est un acteur. Il avance avec une sorte de géologie. Une série d’empreintes de personnages mêlée à sa vie propre l’accompagnent, l’amènent à jouer et à mieux comprendre son personnage, à traquer quelque chose de sincère.

Les cinéastes russes ne travaillent pas forcement comme en France, il y a plein de manières de faire du cinéma. Là effectivement y avait un tournage qui était très conséquent dans plusieurs villes : à Paris, en Bulgarie, en Ukraine. C’était une grosse production avec des gens très pointus – des techniciens, chefs opérateurs de très haut niveau. Ça m’a impressionné surtout, comme énergie mise dans le tournage et comme efficacité, rapidité et de pouvoir. Еn même temps que ça tourne, faire le montage, de pouvoir élaborer la silhouette du film au fur et à mesure qu’on tourne, un petit peu comme dans le domaine du clip ou de la pub, des choses qui vont très vite. C’était impressionnant.
Je n’ai jamais choisi de faire de la publicité, ça me regarde, en tant que comédien. J’ai travaillé notamment avec Jonathan Greyser qui a fait beaucoup de clips, qui excelle dans cette forme là, mais ses longs métrages sont très intéressants. C’est une forme, un moyen. Après tout, c’est très bien que quelqu’un qui vient de la publicité et qui fait de la fiction, ça ne peut que l’enrichir.

Monsieur Merde (personnage de plusieurs films réalisé par Leos Carax – NDRL.), c’était comme si je le portais en moi depuis toujours. Il vient de mon travail de comédien de rue, de la commedia dell’ arte… Le fait qu’il parle le merdogon, un langage inventé, me ramène à une sorte de désir enfantin, celui d’avoir une langue secrète quand on est môme. J’aimais l’idée d’avoir forgé cette langue et de l’avoir proférée – je continue encore de parler merdogon, et j’ai même écrit des poèmes.
Je me sens proches dans l’investissement émotionnel de certains comédiens russes, de cette tradition du comédien de théâtre qui joue qui incarne avec tout son corps. En France on est un peu plus cérébral. C’est pas exactement le même mode mais ça n’empêche pas de communiquer. C’est une passerelle à tendre entre ces deux cultures par le biais du cinéma ou autre.
Publié dans « 5ème République » №13 – abonnez-vous au magazine