Charles Aznavour: Je ne suis pas une star, je suis perfectionniste

Interview exclusive avec Charles Aznavour pour notre magazine « 5ème République » en avril 2018

Avant tout je suis français. Mes racines sont arméniennes et ma culture est un mélange de France et d’Arménie. Je suis très proche de mes racines arméniennes car j’ai toujours aimé ma famille, mes parents. Comme beaucoup d’Arméniens notre force est de pouvoir nous fondre dans le pays qui nous accueille jusqu’à oublier que nous sommes d’ailleurs.

Mes parents ne se sont pas connus en Arménie, leurs parents avaient quitté l’Arménie, déjà depuis quelques années: le père de mon père, lui était déjà en France depuis 1917, il avait quitté la Georgie où il avait un poste chez le gouverneur comme cuisinier. Mon père Misha était un artiste et sillonnait le Moyen-Orient avec sa troupe, ma mère était journaliste et elle est venue voir la pièce, où jouait mon père, et c’est ainsi qu’elle l’a rencontré. Les premières années de leur vie en France ne furent pas faciles, mais ils étaient toujours heureux, car notre famille était pleine de joie et de bonheur, l’argent n’était jamais une préoccupation, et la tristesse n’avait pas lieu d’être chez nous. J’ai grandi entouré de tout cet amour et de tout cet optimisme, mon père Misha était un être très fantasque et très optimiste. Lorsque l’on grandit dans un monde d’artiste c’est plus ou moins naturellement que l’on se tend vers ce métier-là.

Je parle couramment l’anglais, l’espagnol, l’italien, je me débrouille un tout petit peu en russe car j’avais appris quelques mots lorsque mes parents parlaient entre eux pour que nous ne puissions comprendre leurs disputes ou leurs secrets. Il me revient en tête souvent quelques mots, quelques chansons du folklore russe entendues dans mon enfance.

On m’a souvent posé des questions sur ma relation avec Edith Piaf. C’est tout de même incroyable que vous ne puissiez pas imaginer que un homme et une femme puissent juste être amis et avoir autre chose à partager que la sexualité. Je pense que dans mon parcours amoureux on a bien vu que je sortais plus souvent avec des femmes un peu plus jeunes que moi. Edith est une artiste que j’ai respectée, que j’ai admirée, elle a fait beaucoup pour moi en m’apprenant énormément de choses sur le métier. J’étais son régisseur, c’est-à-dire que j’étais une sorte d’assistant de tout. Par cette fonction j’ai eu la chance de la voir des centaines de fois sur scène et de pouvoir la suivre et d’apprendre à ses côtés énormément de choses.

J’ai toujours eu les artistes et le public de mon côté. Ce ne sont pas mes collègues qui n’ont pas cru en moi, ce sont les critiques.

J’ai récemment été honoré en Israël pour l’aide apportée par mon famille à des juifs et des Arméniens pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais je n’ai jamais fait partie du maquis et je n’ai jamais été un résistant. Mon père et ma mère ont sauvé des vies, mais ils l’ont fait tout naturellement sans se donner aucune importance par rapport à cela. C’est dans un esprit tout à fait chrétien d’aider son prochain, mais aussi d’aider des compatriotes arméniens, russes, polonais.

Ma décision d’aider l’Arménie après la tragédie de Spitak était juste humaine. Vous pensez que l’on doit aider les gens qui nous ont aidé ? Je ne pense pas comme ça, et la diaspora arménienne ne me doit rien et je ne leur ai jamais rien demandé, je l’ai fait à la mémoire de mes parents, pour mes racines, et pour la culture, pour l’amour des miens, pour un peuple qui n’avait rien à voir avec les Arméniens de France.

Mes deux seules passeports sont le passeport arménien diplomatique et mon passeport français. Je n’ai pas de passeport suisse, je ne sais pas où les journalistes prennent des informations si étranges.

J’ai aimé travailler avec chacun des réalisateurs à qui j’ai eu affaire mais je dois avouer que avec Denis de la Patellière et l’équipe de «Taxi pour Tobrouk», – c’est là où nous nous sommes le plus amusé, nous étions une bonne bande de rigolos.

Lorsque l’on me donne des rôles au cinéma j’aime bien jouer des personnages que je n’ai jamais joués avant… j’aime bien inventer et jouer; pour cela, lorsqu’on est venu me voir pour rôle de Marcus, le vendeur de jouets, en film de Volker Schlöndorff «Le Tambour», j’étais très content de pouvoir jouer un juif, j’avais à choisir dans le film entre deux petits rôles et j’ai choisi celui-ci car j’ai trouvé qu’il avait énormément de force.

La musique change. D’autres temps, d’autres moeurs. À chaque époque, à chaque génération – ses musiques, ses goûts et ses passions; je ne suis pas là pour juger bien sûr, je viens d’une autre époque, donc je ne suis pas habitué au même rythme et à la même mélodie, mais je m’intéresse à toutes les nouveautés.

Chaque duo avec chaque chanteur est un plaisir différent, je n’ai pas de préférence pour l’un ou pour l’autre, j’ai aimé travailler avec chacun d’eux.

Je m’inspire de faits d’actualité, j’ai toujours l’œil aguerri et j’écoute autour de moi, je lis les journaux, je regarde beaucoup les actualités, et dès que quelque chose, une expression, une idée passe, j’essaye d’en capter l’essence et je m’en inspire pour faire des chansons malgré tout ce que les gens pensent. Dans tout ce que j’ai écrit il n’y a rien d’autobiographique, ce sont des choses réfléchies, des histoires auxquelles j’ai pensé, mais aucune de ces chansons ne sont issues de la réalité. Le monde onirique est très fortement présent en moi et il se confond avec la réalité. Le secret de ma jeunesse est que j’ai gardé un cœur d’enfant et une facilité extrême à m’émerveiller de petits riens.

Je ne suis pas une star, je suis un artiste et un artisan, comme un ouvrier qui veut bien faire son œuvre et mener à bien son projet. J’ai le souci du travail bien fait, je suis perfectionniste.

Publié dans le magazine « 5ème République » №16 – abonnez-vous au magazine


 
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