Paris garde beaucoup de secrets. Pas étonnant, que dans le palais le plus important de la ville, le Louvre, il y ait beaucoup de mystères. Et l’un d’entre eux est le fantôme nommé Belphégor, que les ouvriers les plus sensibles voient presque à la lumière du jour, après quoi ils s’évanouissent invariablement, et sont ensuite incapables de se souvenir de quoi que ce soit. Le dernier cas «documenté» de l’apparition du terrible fantôme dans les locaux de service du musée remonte à 2010.
S‘il y a un fantôme au Louvre, alors ce serait celui de Jeanne d’Albret, la mère de Henri IV, qui, dit-on, fut tuée par Catherine de Médicis, qui lui avait envoyé des gants empoisonnés. En outre dans le jardin des Tuileries se promène le fantôme d’un homme rouge, qui fut poignardé sur les ordres de la même Catherine. Mais Belphégor? Qui est-ce?
Tout d’abord, il s’agit d’un démon de l’ancien testament, démon de la paresse, et, par conséquent, du progrès technique. Après tout, seule la paresse peut produire le progrès. Il apparaît alors tantôt sous la forme d’un monstre à cornes et à sabots, tantôt comme une femme d’une beauté incroyable, et ne correspond en rien à ce que les gens du Louvre, sujets au mysticisme, voient.
Car ils ne voient rien d’autre que le jeu de leur propre imagination! «Belphégor» est apparu la première fois seulement en 1927, dans les pages du roman d’Arthur Bernède, qui fut publié durant deux mois dans le journal Le Petit Parisien, et qui commençait par ces mots: «Il y a un fantôme au Louvre! Telle était l’étrange rumeur qui, la matinée du 17 mai 1925, circulait dans notre musée national». Et il est « né » uniquement de la rivalité littéraire entre Arthur Bernède et Gaston Leroux, auteur du fameux «Fantôme de l’Opéra». Ce qui n’a pas empêché ces deux mystiques d’organiser en 1919 une société commune, la Société des Cinéromans, et d’écrire des scénarios pour des films très demandés en Amérique.
Mais Bernède s’est basé sur dse faits parfaitement documentés, comme les «Mémoires secrets» de Cosimo Ruggieri, l’astrologue de la précitée Catherine de Médicis. Et si on les croit, le «fantôme» est apparu au Louvre longtemps avant qu’il ne devienne un musée où dans la salle de l’Egypte antique furent apportées les momies. Cependant c’était justement de la momie que tous ceux qui voyaient le « fantôme » se plaignaient.
Mais il n’y a pas au Louvre de salle des dieux païens, décrite par Bernède, ni, en fait, de statue de Belphégor, près de laquelle le fantôme fut vu la première fois. Il y a un petit morceau d’un bas-relief du démon armé d’une pique, de la collection du Levant – c’est tout. Mais mettons cela sur le compte de l’hyperbole artistique et le fait que la la peur grossit tout.
Le roman sur le fantôme du Louvre fut porté à l’écran en France deux fois: pour la première fois dans la série télévisée de 1965, qui a été vue par un public de 10 millions de personnes, ce qui était énorme à cette époque, série qui était la plus fidèle à l’œuvre de Bernède – Belphégor y était simplement une femme de chair et de sang, à la recherche du «trésor des Valois» ( interprété par la magnifique Juliette Greco); et en 2001, où les réalisateurs ont viré vers un tel degré de mysticisme qu’ils ont finalement perdu tout contact avec la réalité. À tel point qu’il n’y a eu que deux millions de Français pour regarder la charmante Sophie Marceau marcher sur les murs et couper par son champ magnétique toute l’électronique des alentours.
Donc, si vous voulez voir un phénomène paranormal, ne le cherchez pas au Louvre – heureusement en France il y a encore beaucoup de châteaux avec de vrais fantômes.
Publié dans « 5ème République » №16 – abonnez-vous au magazine