Il est difficile d’imaginer que dans une Europe éclairée, il puisse avoir une division en castes. Non, il est compréhensible qu’on n’aime pas beaucoup les Roms et les Juifs, cependant pas tout même jusqu’à les mépriser et ignorer avec défi? Cependant, peu importe que vous soyez surpris, cela a existé. Au moins, en ce qui concerne un peuple apparu de façon étrange et encore plus étrangement disparu. Jusqu’au XIXème siècle, de nombreux historiens considéraient les cagots, comme retardés mentalement, puis lépreux, et ce fut précisément la raison de leur oppression. C’est l’explication la plus simple. Après tout, dans un monde divisé en «siens» et «autres» pour des raisons religieuses, les cagots sont tombés dans le camp des «étrangers» non parce qu’ils adoraient Mahomet ou Yahweh.
Traduction: Ludmila Verdier
Les premières mentions de ces gens étranges se rapportent aux X-XIèmes siècles. C’est alors dans les livres d’église du sud-ouest de la France où ont commencé à apparaître les enregistrements des naissances et des décès, avec des notes étranges – « Chrestian », « Gézitain » (dans la plupart des régions de Gascogne), « Gahet » (à Bordeaux et dans les Landes), « Agote » (au Pays basque), « Capot » (en Gers) et « Cagot » (en Béarn, Hautes Pyrénées et Haute Garonne où leur concentration fut particulièrement élevée). Plus tard, au XVe siècle ce peuple étrange « est venu » jusqu’en Bretagne, où ont les a nommés «Cacous» ou «Caqueux». Accordez, que c’est une variation étrange même dans les régions voisines.
Mais c’est leur premier nom qui est particulièrement intéressant, Chrestians est un calque exact du grec « χρηστιανος », utilisé jusqu’au VIème siècle après J-C, jusqu’à ce que les gens de cette religion soient rebaptisés « χριστιανος ». Oui, vous ne vous êtes pas trompés – jusqu’à un certain temps ils étaient « Chrétiens ». Tout cela vient d’un manque de voyelles en araméen, puis en hébreu, quand il était nécessaire de diluer les cinq consonnes difficiles à prononcer ensemble. Mais nous ne parlons pas de la linguistique et ses acrobaties mais de pourquoi les Cagots auraient recu un nom si étrange – « Chrestians » alors que presque tout le monde les croyait descendants des Wisigoths, et sinon – des Sarrasins. Après tout, ni les uns ni les autres n’ont eu aucune appartenance au christianisme.
Et ce fut le premier mystère de ces gens étranges, ou, plus précisément, une communauté de personnes, complètement assimilée et parlant une seule langue connue – le Français. Même l’hypothèse de certains historiens disant que cagot serait une abréviation du latin « cani Gothi », « les chiens des Goths », terme utilisé généreusement jusqu’au Vème siècle, ne tolère aucune critique. Rappelons-nous qu’on a parlé de Cagots beaucoup plus tard. Mais qu’est-ce qu’il y avait de si étrange chez ces gens? Disons, presque tout: rabougris, avec des lobes d’oreilles manquants, de lourdes arcades sourcilières, parfois avec des déformations évidentes du corps et souvent palmées entre les doigts. Le «Père de la chirurgie moderne», Guy de Chauliac, qui en 1326 pour la première fois décrivait les Cagots, a ajouté: des yeux ronds et exorbités, au regard « méchant et lugubre », des sourcils presque absents, un nez large, de grosses lèvres aux formes irrégulières et une puanteur incroyable, et il les a immédiatement catalogués comme lépreux. Mais pourquoi cela? Après tout, on sait que la lèpre touche en premier les lobes des oreilles, les faisant ressembler à des raisins rabougris, et l’absence de lobes n’est pas du tout une raison pour classer tout le monde malade.
Par exemple, 30% des Allemands ont aussi les oreilles « rondes ». Et même une mauvaise odeur ne veut rien dire. Avez-vous déjà voyagé à l’heure de pointe en RER D en direction de Creil? Tout est dit!
Peu importe quels furent les rapports de Chauliac avec les cagots, les populations locales les traitaient encore plus mal. Premièrement, les cagots vivaient dans des hameaux. Eh bien, ce n’est pas une nouvelle, direz-vous en vous souvenant les « lieux » juifs. Deuxièmement, ils ne pouvaient rien faire d’autre que de travailler le bois et la pierre, et ils ont finalement formé une guilde d’excellents charpentiers, maçons et constructeurs. Troisièmement, il leur était interdit de se marier avec le reste de la population. Quatrièmement, ils ne pouvaient pas chasser ni cultiver de champs. Ils ont été finalement autorisés à pêcher. De l’excès de phosphore, qui, comme on le sait, a un effet bénéfique sur l’activité cérébrale, ils sont devenus de bons chirurgiens, des sages-femmes et des diagnosticiens et cela n’a dérangé personne. Choisissant entre la mort et être soigné par les « intouchables », toutes les personnes normales optaient pour la seconde. Cependant, à cela s’arrêtaient toutes les préférences.
Les Cagots étaient généralement considérés comme « les gouverneurs de la mort sur Terre ». Par conséquent, on tentait de les croiser le moins possible, tout comme la fameuse caste indienne. Il était interdit aux Cagots de toucher les rambardes d’un pont, de boire de la même source que les autres (pour eux il existait juste un trou dans le sol où on versait chaque jour un seau d’eau, comme aux cochons), et même d’entrer dans l’église avec les autres. François Rabelais dans « Gargantua et Pantagruel » mentionne l’inscription sur la porte de l’Abbaye de Thélème, qui interdit l’entrée aux « hypocrites, fanatiques et cagots ». Oui, ces gens qui ont construit beaucoup de bâtiments religieux, dont Notre-Dame de Paris, dans la construction de laquelle, selon les documents, 270 cagots ont participé, il leur était défendu de franchir le seuil sacré, sinon d’entrer dans le lieu saint par une entrée séparée – basse, « décorée » par l’image d’une tête de chien (« cani Gothi », souvenez-vous?) et des pattes de corbeau .