Aux antipodes des destins éclatants et tourmentés de tant d’autres français d’origine russe, Maurice Druon est un personnage très attaché à la tradition, voire à un certain classicisme bien que sa vie ne manque pas d’engagements et de combats. Académicien et ancien ministre de la culture, il a été le gardien du temple de la langue et de la culture française – le goût pour les belles lettres coule dans ses veines depuis plusieurs générations. Et ses origines familiales se partagent entre le Languedoc, les Flandres, le Brésil et la Russie.
Il reçu le nom de son père adoptif, René Druon, lorsque le garçon avait six ans. Son vrai père, Lazar Kessel, né à Orenburg et a réussi à émigrer à Nice avant le début du gâchis en Russie – en 1908, avec ses parents et son frère aîné, le futur écrivain Joseph Kessel. À l’âge de 21 ans, Lazar s’est suicidé. Le petit Maurice était encore un bébé, on ne lui a pas dit les détails, et jusqu’à l’âge de 18 ans, il pensait que son père était mort de la grippe espagnole.
C’est bien son père adoptif, qui transmet à jeune Maurice Druon cet «amour de la France» qui équilibre l’ascendance russe dont son oncle, l’écrivain Joseph Kessel. C’est à ses cotés qu’il côtoie les grands noms de l’aventure de l’Aéropostale tels que Jean Mermoz, Antoine de Saint-Exupéry et Henri Guillaumet, il rencontre des artistes de l’Europe de l’Est. Joseph, «ce faussaire dans le genre d’Homère», incarne jusqu’à la démesure l’énergie dionysiaque, et fréquente les cabarets russes. Malgré la mort de son père survenue si tôt, c’est bien grâce à son oncle que Maurice Druon reçoit l’héritage familial russe. Il oscille sur le fil, toujours, entre une effervescence déstabilisante et le prudent enracinement dans les valeurs traditionnelles.
Maurice Druon commence la Seconde Guerre mondiale en qualité d’élève officier. Démobilisé, il reste en zone libre, et fait représenter sa première pièce, « Mégarée », au Grand Théâtre de Monte-Carlo le 3 février 1942. Avec son oncle Joseph Kessel, il quitte la France à Noël 1942, pour rejoindre les rangs des Forces françaises libres du général de Gaulle, traversant les Pyrénées puis l’Espagne et le Portugal avant qu’un hydravion ne les emmène en janvier 1943 à Londres.
Il écrit alors avec Kessel en mai 1943 le « Chant des partisans » qui, sur une musique composée par Anna Marly, devient l’hymne des mouvements de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale. Il est également l’auteur, en 1942, de la célèbre chanson française « Le Galérien », mise en musique sur un arrangement d’un air traditionnel russe par Léo Poll, et interprétée par Yves Montand.

Avec le retour de la paix, Maurice Druon se consacre à la littérature. Il publie ses souvenirs de guerre dans « La Dernière Brigade » en 1946. Puis, ouvrant une trilogie intitulée « La Fin des hommes », son roman « Les Grandes Familles » – chronique cynique et sévère de la grande bourgeoisie d’affaires qui sera adaptée au cinéma par la suite, donnant à Jean Gabin l’un de ses meilleurs rôles, obtient le prix Goncourt en 1948.
Maurice Druon trouve sa voie littéraire. Puis il accède définitivement à la célébrité avec le succès de sa saga historique littéraire, « Les Rois maudits », publiée à partir de 1955, et adaptée en 1973 à la télévision. Six volumes, parus chez Del Duca entre 1955 et 1960, retracent les conflits politiques et sentimentaux des cours royales de France et d’Angleterre à la veille de la guerre de Cent Ans. Maurice Druon n’a jamais caché que sa série « Les Rois maudits » avait été le résultat d’un travail d’atelier.