On dit que parler de ballet c’est comme danser de l’architecture. Alors n’en parlons pas, parlons de celle dont la biographie était aussi brillante que ses danses. Mathilde Kschessinska ne pouvait pas nous quitter sans nous laisser sans rien et sans s’assurer que nos souvenirs d’elle seront adulés pendant des siècles. Dans sa mémoire, Kschessinska est coquette comme un grand champagne qui a fait tourner la tête de beaucoup d’hommes ; parmi lesquels il y aurait même des membres de la famille royale.
Mathilde est née dans une famille très artistique de Félix Kschessinski et Julia Dominska. Elle n’était que le 13ème enfant mais la préférée de son père. Felix satisfaisait tous ses caprices et n’était jamais méchant avec elle. Depuis son enfance, cette fille apprit comment faire exaucer ses vœux par les hommes sans aucun effort.
En suivant l’exemple de son père, Mathilde entra à L’Académie de ballet en tant que visiteur libre. Lors de l’examen de la fin d’année auquel elle n’était pas censée participer il y avait des membres de la famille royale dans le public. Kschessinska a dansé la variation de « La fille mal gardée » pour laquelle elle fut félicitée par le Tzar Alexandre III. Il a déclaré : « Soyez donc la fierté et joyaux du ballet russe ». Et c’est ensuite au dîner qu’elle rencontra le jeune Dauphin Nikolay Alexandrovich.
En sortant de L’Académie, elle a été immédiatement embauchée par le Théâtre Impérial. Selon les rumeurs elle a eu cette bonne fortune grâce à patronage de Nikolay, ou plutôt Nikki comme elle l’appelait. Elle ne dansait pas les petites variations mais des morceaux entiers. Cependant son seul désir toujours était d’avoir le rôle d’Esmeralda qui l’avait impressionnée interprété par Virginie Zucci. Mais le chorégraphe-en-chef lui a refusé en précisant qu’elle était émotionnellement immature. Cela c’expliquait très facilement par le fait qu’elle était jeune, amoureuse du Dauphin et ne pouvait pas savoir que l’amour aurait pu la faire souffrir.
Pour voir le plus souvent Nikki, Mathilde devint la propriétaire d’une maison qui avait appartenu au compositeur Rimskiy-Korsakov. Mais les affaires de L’Etait n’ont rien à voir avec les affaires de cœur. Nikolay dût épouser une fille de sang royale.
L’arrivé d’une princesse Alix de Hesse-Darmstadt (future Alexandra Fiodorovna) et l’agitation autour du mariage a été terni par la mort d’Alexandre III. Mais Kschessinska avait son propre chagrin. Elle avait perdu son Nikki et elle ne pu se perdre qu’au travail. Comme un signe de destin c’est alors qu’elle a eu une proposition de la part de Marius Petipa de danser le rôle d’Esmeralda.
Le succès incontournable ne put cependant arrêter la douler de la rupture.
C’était aussi la raison pour laquelle elle est immédiatement partie à Monte-Carlo, juste après avoir reçu l’invitation de Raoul Gunsbourg. Elle est partie le plus loin possible de sa peine de coeur. À Monaco elle a été accueillie avec l’exaltation. Les critiques n’ont cessé jamais de s’étonner de son talent artistique et sa technique. Bien sûr! À son époque elle était seule danseuse à arriver à faire 32 fouettées – personne n’était capable de le faire avant elle.
Elle a très vite récupéré grâce à l’air de la Côte d’Azur, on avait l’impression qu’elle avait oublié ses tourments. En quelques années sa vie a fait un double saut périlleux.Lors d’un dîner organisé à l’occasion de son concert de bienfaisance d’adieu (Mathilde a décidé de quitter ce théatre) tous les membres de la famille royale étaient présents, y compris les cousins de Tsar, Andrei Vladimirovich et Sergei Mikhailovich. Il était impossible de ne perdre pas la tête en étant simplement près d’elle. Et ils l’ont perdu.
L’histoire ne dit pas si ces deux histoires d’amour se sont (développes) parallèlement ou successivement. Mais il n’en demeure pas moins que souvent pendants ces tournées à l’étranger elle a été accompagnée par les deux members de la famille royale: à Monaco, à L’Italie…
Ce n’est pas toujours clair qui était le père de son fils Vladimir, mais les deux princes, amoureux de Kschessinska, étaient prêts à reconnaître l’enfant sans tenir compte de qui était le père naturel. Et elle était encore amoureuse de deux princes au même temps. Le nouvel amour a offert les nouvelles possibilités – Kschessinska loua un appartement à Paris à la rue Villaret de Joueux et dansa à L’Opéra de Paris.
Cette période a été caractérisée par Les Saisons Russes organisés pas Sergei Dyagilev. Tout Paris a été envoûté. Mais presque tous les meilleurs rôles ont été donnés à Anna Pavlova. Mathilde n’a tout simplement pas accepté les conditions proposées. Et donc il a fallu attendre jusqu’a la prochaine saison pour que vienne la reconnaissance unanime.
Encore une fois, Mathilde a tout fait à sa manière. Elle voulait faire le spectacle « Corrigan » et elle l’a fait. Bien sûr avec l’aide et patronage d’un homme qui a été charmé par son talent, l’un des directeurs de L’Opéra, Mr Messanget.
À l’année 1911 Kschessinska a quand même participé aux Saisons Russes de Dyagilev avec la troupe qu’il avait fait venir à Monte-Carlo. Le succès de son «Lac des Cygnes» fut éclatant, la public ne la laissait plus partir de la scène. Dyagilev triomphait. À l’apogée de son succès elle achetait une villa à Cap d’Ail et en 1914 elle dansait pour la dernière fois devant le tsar Russe à St.Petersbourg. Pendant le spectacle le public fut informée du début de la 1ère guerre. Le lendemain la mobilisation fut déclarée. Quelques mois après le début de la guerre, Kschessinska fit construire une infirmerie pour 30 personnes, à ses frais. Et a participé activement au soutien humanitaire des militaires russes.
1917 s’avérait désastreuse pour l’histoire de la Russie, et pour Mathilde personnellement. Tout le monde attendait que l’abcès éclate et les choses s’arrangent. Mais cela n’est pas arrivé. Un ami proche lui a conseillé: «Prenez tout et partez». Elle parlait amèrement de ces jours: «Quand les premiers nouvelles de la Révolution de Bolchevik sont arrivées, et par conséquent les mesures prises, donc la confiscation des biens et de l’argent des « bourgeois »… on a appris qu’en un jour nous sommes devenus pauvres».

Mais elle dut quand même quitter la Russie – qui était embourbée dans le vice et la terreur – le prince Sergei Mikhailovich a été fusillé et la vie d’Alexandre Mikhailovich en tant que membre de la famille royale, était menacée.
Heureusement pour eux ils ont trouvé la villa dans l’état comme ils l’ont laissée. En Russie elle avait pensé que le monde s’était écroulé.
A la Côte d’Azur tout ça ne paraissait être qu’une illusion. Et finalement Mathilde et Andrey Vladimirovich ont décidé de se marier. Le jour du mariage Andrey a noté dans son journal : «…on a passé une belle soirée. Finalement mon rêve s’est réalisé – je suis très heureux».
En exil, Kschessinska a continué à faire du ballet, elle a créé son école, rencontré les amis de son ancienne vie, les émigrés comme elle-même. Les autres personnalités du monde de la culture qui se sont aussi retrouvés en exil ont beaucoup contribué au développement de son école: Tamara Karsavina, Anna Pavlova, Serge Lifar et Mikhail Fokin. Mathilde elle-même d’ailleurs était pleine d’énergie. Ayant décidé de quitter la scène en 1936, son choix c’était porté sur le Covent Garden. Elle a tellement enthousiasmé le public que la Prima de 64 ans eu droit à 18 rappels.
Elle a vu l’occupation de Paris et vaincu le cancer. Elle n’était pas habituée à renoncer et a décidé de profiter de la vie jusqu’aux derniers jours ayant gardé la force physique et la clarté mentale. Elle s’éteignit juste à l’aube de ses 100 ans. La grande danseuse est morte le 12 Décembre 1971 à l’âge de 99 ans et fut enterrée dans le Cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois à côté d’Andrey Vladimirovich Romanov, son époux légitime, qui lui a donné l’amour et le bonheur.
Publié dans le magazine « 5ème République » №10 – abonnez-vous au magazine